La suite de notre échange: la romancière et activiste iranienne Shokoofeh Azar prédit un grand basculement populaire, et met l’Europe en garde: choisissez votre camp, avec la population ou avec le régime. ENTRETIEN
Vous êtes engagée dan la lutte sociale depuis un quart de siècle, militante entre autres contre le hijab obligatoire. Aviez-vous vu perçu la montée en puissance de l’activisme féministe en Iran, ou avez-vous été agréablement surprise par la mobilisation enclenchée en septembre ?
Depuis que je suis journaliste, vers 1997, j’ai travaillé de manière permanente sur les droits humains en Iran. C’était un temps où nous ne pouvions même pas imaginer que des gens crient « Mort au dictateur » dans la rue. Maintenant les gens chantent en toute simplicité : « Mort à Khamenei » (NDLR, l’actuel guide suprême de la révolution).
Étudier les slogans peut être un excellent point de repère pour vérifier la qualité, la vitesse, la force et la diffusion des contestations populaires. A une certaine époque, on ne pouvait imaginer porter autre chose en rue que les uniformes obligés, pantalons et châles, par crainte de la police de la moralité (NDLR : Gasht-e Ershad). Mais aujourd’hui nos femmes entament courageusement, dans la rue, des cérémonies de brûlage de châles, et déambulent en chemisiers et jupes. A une certaine époque, la tradition et le régime coïncidaient, mais un tel fossé s’est creusé entre la tradition et le régime qu’aujourd’hui même les gens traditionnels détestent ce régime répressif.
Il y a cinq ans environ, une journaliste iranienne, Masih Alinejad, a créé une page Facebook intitulée « Ma liberté furtive » où elle demandait aux femmes de partager des photos d’elles sans le hijab obligatoire. En peu de temps, cette page Facebook est devenue un mouvement et le concept principal de Masih Alinejad dans sa lutte contre le régime. Elle a été la première à crier courageusement: #Non_au_hijab_obligatoire.
Avant cela, il y a environ quinze ans, des femmes juristes ont lancé la « Campagne d’un million de signatures » : les gens étaient invités à signer pour des droits égaux pour les femmes et les hommes. Je me souviens que cette campagne est devenue à ce point populaire que même dans les bus et les trains, les gens parlaient de cette campagne, spécialement les femmes.
Il y a vingt ans, Mohammad Khatami, le président le plus populaire d’Iran (NDLR : 1997-2005) parlait ouvertement des droits des femmes, des droits humains et des revendications populaires. Bien qu’il soit devenu par la suite, malheureusement, la marionnette de Khamenei, il a éclairé beaucoup d’esprit en matière d’égalité des droits des hommes et des femmes.
Il y a plusieurs années déjà qu’une femme s’est immolée vivante en face du parlement, en chantant contre le hijab obligatoire.
Bref, ce que nous voyons aujourd’hui dans les rues d’Iran a commencé par tous ces gestes : quand des gens ont réalisé qu’ils pouvaient avoir des demandes égalitaires et tenir le régime pour responsable.
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