Incipit. 

Parfois, un écho venu des ténèbres se glisse dans nos songes jusqu’à en modifier la tension ou la couleur. Cette nuit-là, l’intrus prit la forme d’un craquement net. Nina se réveilla au moment exact où le bruit crevait son rêve. La jeune femme se redressa. L’emballement de son cœur empêchait une écoute attentive. Était-ce un hennissement, le coup de sabot d’un cheval dans l’écurie du voisin?

Le livre.

Un roman d’aventure, de grand large et d’amitié lors de l’invasion russe de la Crimée.

Février 2014. La répression brutale des manifestants de la place Maïdan fait des centaines de morts et disparus. Le régime ukrainien bascule, le président Ianoukovytch s’enfuit en Russie. Au même moment, dans le plus grand secret, Poutine déploie autour de la Crimée des unités de spetsnaz et de troupes d’élite aéroportées. Le 27 février à l’aube, une pluie de « petits hommes verts bien polis », prend le contrôle du parlement régional, encercle les bases militaires, les aéroports, coupe les communications. Qui sont-ils ? Les envahisseurs ne portent aucun insigne ni grade, aucun écusson, mais leur matériel est du dernier cri. Ils parlent russe.

L’invasion met à rude épreuve l’amitié de deux guides équestres, cavaliers hors pair qui connaissent la presqu’île comme leur poche. Ils sont épris de deux sœurs ukrainiennes, parmi les plus belles filles de Crimée, mais la perspective d’une guerre les déchire. Ancien plongeur d’élite, Oleg a été formé aux côtés des soldats russes. En cas de mobilisation, il devra les combattre, il n’en a aucune envie. Son ami Kash, premier des enfants tatars à être revenu au pays, n’a pas oublié les purges de Staline ; il sait que son clan payera un lourd tribut en cas de conflit. Il ne se trompe pas. Bientôt apparaissent les premiers corps de Tatars mystérieusement assassinés.

Entre les lignes.

L’imminence d’un péril réveille en nous des identités profondes. Sillonnant les plaines de l’ Indus, Rudyard Kipling levait un œil inquiet et fasciné vers les sommets du Spīn Ghar d’où dévalaient les rebelles afghans. Ses Plain Tales from the Hills sont nourris des frayeurs des hommes du fleuve et de la plaine face aux menaces venues des montagnes. Lorsqu’il écrit Le Chant du monde, Jean Giono organise l’univers de la même façon : les hommes des forêts et du fleuve se confrontent au Haut-Pays. À notre manière, nous sommes tous de la campagne ou des villes, d’une plaine ou d’un cours d’eau, d’une montagne ou d’une simple colline. En février 2014, envoyé spécial des quotidiens Le Soir de Bruxelles et Le Temps de Genève, j’ai vu avancer en Crimée de mystérieux hommes en armes, sans grade ni insigne. Durant treize jours, l’armée russe s’est avancée masquée. Les démons identitaires de chaque population de l’île se sont réveillés : Ukrainiens, Tatars, Russes, chaque groupe s’est replié sur ses racines et sa langue, ses plaines, ses fleuves, ses montagnes. Chacun a interprété les événements quotidiens à la lueur d’imaginaires particuliers. Les amis d’hier se sont découverts à nouveau ennemis. Ce sont ces personnes, leur repli collectif et leurs peurs distinctes, qui ont inspiré ce roman. Ces identités sont le véritable propos : je suis né à l’ombre de collines, à la confluence d’un ruisseau et d’une rivière, avec les racines qui sont les miennes. Et vous, d’où me lirez-vous ?

Weyrich Édition, Bruxelles, février 2024, 420 pp.

Accueil.

La critique de Jean-Claude Vantroyen, dans Le Soir:

« Alain Lallemand mène ses beaux personnages dans ce monde en mutation. Un monde aux paysages magnifiquement décrits d’une écriture fine et souvent lyrique. Aux intrigues habilement menées. Habité par des héros qui nous émeuvent, qui nous inquiètent, qui nous horripilent, qui ont donc chacun une vraie personnalité. Semé de superbes épisodes épiques et irrigué par cette insidieuse invasion russe. Et qui pose les questions essentielles de la survie, de l’amitié et de l’amour en temps d’occupation. » (quatre étoiles)

La critique de Michel Paquot, dans L’Avenir:

« Puissant (…) En février 2014, à Simferopol, capitale de la Crimée, des « petits hommes verts » prennent le contrôle du parlement (…) Ce sont ces semaines que l’ancien grand reporter Alain Lallemand, qui a couvert ces événements pour Le Soi r, met magistralement en scène (…) C’est l’une des principales richesses de ce roman que de rendre justice à ce peuple dont on découvre les traditions et rites, les grandes fêtes au centre desquelles trône le cheval, les rapports entre les différentes communautés. » (quatre étoiles)

La critique de Michel Torrekens, dans Le Carnet et les instants:

« Les grands reporters font-ils de bons romanciers? Kessel ou Hemingway nous ont montré que oui et ô combien. En Belgique, Alain Lallemand s’inscrit dans leur sillage (…) Le talent d’Alain Lallemand, à travers des personnages forts, est de nous montrer comment, parallèlement aux conflits étatiques, les hommes sont traversés de guerres intérieures autour de la place de l’amitié, de l’amour, la loyauté à la patrie, la fidélité à ses proches, la peur et ses ravages, les désirs de vengeance, etc. » (Coup de cœur)

La critique d’Olivier Van Vaerenbergh, dans Focus Vif:

« Par basse jalousie peut-être, on a appris à se méfier des journalistes qui deviennent romanciers. Mais Alain Lallemand est depuis quelques livres un romancier qui gagne sa vie comme journaliste. Sons sens de l’info ne fait pas d’ombre à sa prose poétique et sensuelle. Un excellent roman plus encore qu’une clé de compréhension. » (3,5 étoiles)

La critique de Guy Duplat, dans La Libre Belgique:

« Dans son nouveau roman, le journaliste au Soir et romancier Alain Lallemand raconte bien les paysages de Crimée, les odeurs, l’amour des habitants pour leurs chevaux, mais aussi les mafias. » (trois étoiles)

Dans l’émission Connaissez-vous? (BX1)